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Réforme de la formation professionnelle, nouvel espoir, contre-attaque ou retour du jedi ?

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La dernière édition du salon Elearning Expo a été l’occasion de faire le point sur la nouvelle (et énième) réforme de la formation professionnelle à venir, avec des scoops et des analyses très pertinentes.

Retour sur la conférence « Quelle stratégie adopter pour mettre en œuvre la nouvelle réforme de la formation ? » qui s’est déroulé mercredi 21 mars au parc des expositions en présence de :

  • Stephane PINEAU, Président directeur général, TRAINING ORCHESTRA

  • Philippe DEBRUYNE, Président de la COPANEF, Vice-Président du CNEFOP et Secrétaire confédéral de la CFDT

  • Sebastien LECAT, Responsable du développement des compétences, CASTORAMA

  • Véronique VAGNE , Experte formation et développement RH

Au programme de cet atelier :

• Comprendre les enjeux de cette réforme du point de vue du législateur
• Définir et analyser le cadre applicatif pour les professionnels
• présenter les stratégies à adopter pour anticiper la mise en place de la réforme de la formation

Le 5 mars 2018 la ministre du Travail Muriel Pénicaud a dévoilé les grandes pistes retenues par le gouvernement pour réformer encore plus le système de formation professionnelle, suite aux négociations qui ont eu lieu en amont avec les partenaires sociaux.

5 réformes en 15 ans

Il s’en est passé des choses depuis Les accords de Grenelle en 1968 instaurant les fondements d’un droit à la Formation Professionnelle Continue !

  • Loi du 4 mai 2004 avec la création du DIF pour les salariés

  • Loi du 24 novembre 2009 orientation professionnelle tout au long de la vie et création du Service public de l’orientation

  • La loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi intègre déjà le Compte personnel de formation (CPF) et le Conseil en évolution professionnelle (CEP).

  • Loi du 5 mars 2014 voit la mise en œuvre du CPF, du CEP, transforme l’obligation de contribution financière des entreprises (le 1 % de la masse salariale) en une obligation de formation et d’investissement sur les compétences des salariés. La collecte du CIF n’est plus la mission des OPACIF , elle est assurée par les OPCA

  • Future loi de 2018…

Ça fait quand même 5 réformes en près de 15 ans… et THE QUESTION IS : cette réforme est-elle celle de trop ? On lit souvent sur le web et les réseaux sociaux qu’il s’agit d’un nouveau big bang… est-ce le cas ou bien cette réforme n’est-elle que la continuité de sa grande sœur ?

Selon Stéphane PINEAU, Président directeur général de TRAINING ORCHESTRA, solution de gestion de la formation, « le système de la formation professionnelle est et restera toujours très réglementé en France, plus qu’ailleurs. Et quand bien même on nous sert un nouvel acte de simplification, le résultat est qu’au final on se retrouve avec une couche supplémentaire…» Notre fameux penchant pour les mille-feuilles…

L’individu maître de son destin

Ce qui est certain c’est que cette nouvelle réforme accentue encore les effets de la précédente, notamment celui de placer au cœur du dispositif l’individu, avec tout ce que cela comporte comme poids et responsabilités : l’individu est maître de son destin en matière de formation et de montée en compétence… c’est le self made man à la française.

Pour l’épauler, le conseiller en évolution professionnelle va voir ses pouvoirs renforcés et sa présence accrue sur les territoires. Il deviendra un conseiller de proximité … enfin on l’espère. Sinon l’individu au cœur du dispositif est mal barré. C’était déjà assez compliqué d’activer son CPF et de retrouver ses heures de DIF pour aller l’alimenter, ça va être une autre paire de manches que de bâtir son programme de formation en fonction d’un budget restreint pour atteindre un diplôme ou une certification et faire abonder différents acteurs… #chemindecroix.

OPCA, c’est TA chance

Du côté des surprises, attardons nous un peu sur les OPCA. On savait que la collecte des fonds pour la formation des salariés leur échapperait à l’avenir puisque ce sont les URSSAF les heureux gagnants qui vont récupérer cette collecte et en reverser une partie à la Caisse des dépôts . Mais ce ne sera pas avant 2021. Néanmoins, il semblerait que leur rôle évolue dans le bon sens. En effet, après maintes péripéties pour ces organismes malmenés, d’un rôle de prestataire de service pour les entreprises à un rôle de gestionnaires de fonds, ils deviendraient demain des « opérateurs de compétences » et feraient le lien entre les besoins des entreprises, leur croissance et les actions d’un territoire en terme d’actions de formations collectives… Une GPEC-T (Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territorialisée) généralisée… et on s’en félicite. Une nouvelle instance ferait son apparition pour mener à bien cette mission aux côtés des OPCA, ce sont les « Centres compétences »… Reste que les OPCA vont encore fusionner et voir leurs nombres réduits, c’est inévitable. Mais il leur reste donc 3 ans pour s’organiser et anticiper.

Du côté de l’entreprise, elle continuerait à verser environ 1,70 % de sa masse salariale pour financer à la fois l’apprentissage et la professionnalisation. Attendons le futur projet de loi pour en avoir la certitude tout de même. Ce qui est certain c’est que le Congé Individuel de Formation (le CIF) disparaît complètement.

Du côté des salariés, plusieurs leviers pourront être activés pour accéder à une formation. Les entretiens professionnels mis en place par la précédente réforme sont conservés et même enrichis (ou alourdit selon le point de vue derrière lequel on se place) d’un quatrième critère : celui de l’abondement (pour rappel, les trois premiers critères sont les actions de formation suivies (au moins une) • les évolutions salariales et/ou les évolutions professionnelles • les certifications obtenues via la VAE ou la formation ) Les entreprises seront donc encouragées à abonder sur les heures du CPF du salarié pour lui permettre d’accéder à une formation certifiante et ainsi répondre en tant qu’employeur à ses obligations (prouver qu’un salarié est monté en compétence).

Money money money

La grande nouveauté de cette réforme, c’est surtout la monétarisation du CPF qui a plusieurs conséquences:

  • La Caisse des Dépôts et de Consignation va entièrement gérer et piloter le CPF

  • Le total des heures monétarisées sera pour certains salariés bien en dessous du total qu’ils pouvaient espérer auprès de leur OPCA après conversion (certains OPCA de branche comme le FAFIEC pouvait montait jusqu’à 41 € / heure de CPF). L’heure monétarisée devrait tourner autour des 14,28 € / H. La conséquence c’est que certains salariés ont tout intérêt à débloquer très rapidement leurs heures de CPF cette année aux taux actuels pour se former.

  • Les compteurs de DIF disparaîtront définitivement en 2020.

  • On ne connaît pas encore les modalités d’abondement des différents acteurs (employeur, état, région, Pôle emploi, etc.)

Autre nouveauté, l’apparition d’un nouvel opérateur de compétences, France Compétences, qui sera le résultat de la fusion de 3 entités existantes : le CNEFOP, le COPANEF et le FPSPP et qui sera compétent pour :

  • Contrôler la qualité des organismes de formation et élaborer le cahier des charges pour la nouvelle certification des OF pour accéder à des financements, notamment ceux liés au CPF

  • Réguler les coûts de formations

  • Assurer la péréquation interprofessionnelle et entre les CFA qui vont voir leur financement modifié

  • Co-construire avec les branches professionnelles les diplômes et les certifications

  • Organiser le déploiement des conseillers en évolution professionnelle par appels à projets régionaux

Le dialogue avec les partenaires sociaux sera renforcé pour fixer les orientations et les priorités en terme de développement de compétences face aux évolutions des métiers.

Les listes de certifications jugées trop complexes seront supprimées.

Bye-bye DATADOCK

Du côté des organismes de formation, une nouvelle accréditation va voir le jour et rendra obsolète le Datadock… Ce dispositif aura au moins eu le mérite d’engendrer une base de données actualisées, véritable mine d’or et photographie réaliste du paysage des OF français.

Du côté des CFA, certains d’entre eux vont voir leur statut changer, similaire aux OF. Ils seront subventionnés au nombre de contrats signés… Ces derniers vont devoir arbitrer entre leurs filières, notamment si certaines ne sont pas assez rentables car le financement sera identique à celui du contrat de professionnalisation.

Du côté de la CFDT, Philippe DEBRUYNE, président de la COPANEF ayant participé aux négociations avant le projet de loi « savait que le gouvernement ne reprendrait pas l’intégralité de notre négociation mais on tenait à l’accompagnement de l’individu et au renforcement du rôle du conseiller en évolution professionnelle  (…) par ailleurs, on s’est battus pour organiser le conseil en évolution professionnelle des salariés qui ne sont pas des cadres car les cadres sont déjà épaulés par l’APEC (…) les demandeurs d’emploi eux étaient déjà suivis par le Pôle emploi ». Le salarié qui n’est pas cadre a en effet toujours été le moins bien loti en terme d’évolution professionnelle. Demain, en plus de ses droits « socle » il pourrait avoir un droit supplémentaire, celui de la reconversion sans démission et sur le temps de travail… A voir si ce sera réellement appliqué dans les PME. Dans cette optique, le « CPF de transition » va être un enjeu de négociation et la VAE va être très utile et certainement utilisée pour atteindre un diplôme ou une certification plus facilement.

Petite pensée émue pour les RH

Autre enjeu, l’accompagnement des entreprises dans le diagnostic de besoin en compétences, notamment les PME qui ne sont pas dotées de service RH et qui ont pourtant grand besoin d’outils et d’accompagnement en matière de GPEC. C’est véritablement une nouvelle ère qui s’ouvre, avec la volonté de multiplier les scénarii dans une optique prospectiviste et d’adopter un point de vue beaucoup plus macro-économique dans le but de créer des liens et un fil rouge entre les projets de territoires et la GPEC des PME. Cette partie, la plus intéressante de notre point de vue, pourrait par exemple être assurée par les OPCA, et ils ne seraient pas contre… « sauf que l’État souhaite évacuer cette vision et pense de manière à peine caricaturale qu’une simple application nourrit des data ferait l’affaire ».

Idem pour les responsables formation et les responsables RH en entreprise : leur mission va évoluer. Ils devront jouer le rôle de conseiller en évolution professionnelle dans l’entreprise et être encore plus proche des individus. Une couche supplémentaire de relation humaine qui ne fera pas de mal.

Pour l’heure les partenaires sociaux ne connaissent ni la date d’application de cette réforme ni ce qu’il se passera en 2019 notamment pour le CPF. C’est ce qui s’appelle un flou artistique !

Les dates à retenir :

10 avril 2018 : la ministre du Travail Muriel Pénicaud présente le projet de loi de la réforme professionnelle au CNEFOP, Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelles.

Pour aller plus loin :

Le modèle de la compétence de Philippe ZARIFIAN

Blog de Philippe ZARIFIAN

Rapport du Think Thank Terra Nova « Libérer la VAE : comment mieux diplômer l’expérience »

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